Résultat du « Front de gauche » : ne pas se payer de mots, ni se payer de chiffres !
Au bout d’une campagne électorale, qui plus est quand elle a été pénible et ingrate, les militants mettent en avant tous les résultats positifs. C’est légitime. C’est important.
Mais la responsabilité de toutes les organisations du PCF est d’analyser l’ensemble des résultats le plus objectivement.
La réalité des résultats du « Front de gauche » ne justifie pas l’enthousiasme. Il n’y a pas lieu de se féliciter « d’une dynamique en passe d’être reconnue sur le plan national », « d’un Front de gauche qui s’en sort avec bien plus que les honneurs » (Max Staat dans l’Huma du 16/03) Sauf à être adeptes de la méthode Coué.
Au plan national, les listes du Front de gauche obtiennent 5,84%.
Dans la petite étude comparative qui suit, nous en tiendrons aux 17 régions où le PCF soutenait officiellement des listes du « Front de gauche ».
Dans les cinq autres régions métropolitaines, où habituellement les résultats du PCF sont plus faibles que la moyenne, le Parti présentait officiellement des candidats sur des listes conduites par le PS. Dans trois de ces régions, Lorraine, Bourgogne, Bretagne, des organisations locales du PCF présentaient aussi des candidats sur des listes de type « Front de gauche », avec différents partenaires. Nous ne prenons pas en compte leurs résultats, qui sont mauvais mais n’engagent pas le Parti.
Dans les 17 régions précitées, les listes du « Front de gauche » recueillent 6,95% des suffrages exprimés.
Par rapport aux européennes, ce n’est pas une progression (contrairement à ce qu’explique l’article de l’Huma).
En juin 2009, les listes du « Front » ont obtenu 6,45%, certes. Mais aux régionales, dans trois régions, le Front de gauche a englobé le NPA : dans les Pays de la Loire, dans le Limousin et en Languedoc-Roussillon. Le NPA y avait obtenu 5,39% des voix.
Par rapport aux européennes, il faut comparer le résultat des régionales avec la somme du résultat aux européennes du Front dans 17 régions et du NPA dans ces trois régions. On passe de 7,24% à 6,95%. Pas de progression mais un léger recul !
Dans le Limousin, on passe de 16,8% aux européennes à 13,3% aux régionales.
En LANGUEDOC-ROUSSILLON, on passe de 14,9% à 8,6%. Ce dernier résultat est particulièrement décevant. La liste du FdG, conduite par l’ex PS qui a rejoint le Parti de la gauche, R. Revol, a difficilement supporté la compétition avec deux autres candidats qu’il cotoyait au PS il y a peu, Hélène Mandroux et Georges Frèche.
Par rapport aux précédentes régionales, une comparaison globale est impossible. En 2004, le PCF se présentait dans 15 régions avec le PS dès le 1er tour et en Franche-Comté avec le MRC.
Dans les six régions où la comparaison est possible, les résultats sont différenciés mais le solde est nettement négatif.
En CORSE, la liste, toujours conduite par le communiste D.Bucchini gagne en voix (de 9 à 13 mille) et en pourcentage, de 6,6% à 10,0%. Comme nous le font remarquer plusieurs camarades, le « Front de gauche » n’était guère, sans Pg, que le nom électoral du PCF avec des candidats bien identifiés.
En AUVERGNE, la liste toujours menée en 2010 par le député PCF A.Chassaigne bondit de 9,2% à 14,2% et progresse en voix de 54 à 68 mille. Ce résultat exceptionnel, exception qui confirme la règle, est obtenu presque exclusivement dans le département du Puy-de-Dôme où Chassaigne annexe littéralement un électorat habituellement social-démocrate, gagnant 17.000 voix et passant de 9,5 à 19,7%. C’est un niveau (en pourcentage) que le PCF n’atteignait pas en 1967 ou 1973 aux législatives. Mais dans l’Allier, la liste Chassaigne recule en voix et pourcentage sur 2004.
En AQUITAINE, le résultat de 2004 de la liste PCF, marqué par des divisions stratégiques entre fédérations, avait été particulièrement bas : 4,3%. La liste du Front en 2010, menée par un Pg, passe à 5,9%.
Dans le NORD-PAS-DE-CALAIS, la liste de 2010, toujours emmenée par A.Bocquet, maintient exactement l’un des meilleurs scores de 2004 : 10,7%. Cependant le recul en voix, avec la forte poussée de l’abstention dans les zones d’influence du PCF, est net de 173.000 à 132.000. Le député Pg, Marc Dolez, ancien secrétaire fédéral du PS dans le Nord, a rallié un peu de voix, notamment dans sa circonscription de Douai.
En ILE-DE-FRANCE, le recul de la liste de « Front de gauche » est beaucoup plus marqué. En pourcentage, les listes menées par Pierre Laurent (PCF) passent de 7,20% à 6,55% par rapport à celles de la « gauche citoyenne et populaire » conduites en 2004 par MG.Buffet. En voix, elles chutent de 264.000 à 189.000.
Enfin en PICARDIE, c’est la débâcle pour le Front de gauche. Le choix préalable des directions nationale et départementales du PCF de tenir à l’écart la tête de liste de 2004, Maxime Gremetz, l’élu sortant de l’Aisne, Jean-Luc Tournay et de nombreux communistes a coûté cher. Le FdG, valorisant des candidats du Pg, des ex-Verts… dépasse à peine les 5% quand la liste du PCF avait obtenu 10,9% en 2004 et le Fdg 6,0% aux européennes. Les communistes à l’initiative de la liste de rassemblement conduite par Gremetz captent, avec 6,3%, la majorité de l’électorat communiste de 2004, notamment dans les quartiers populaires. Pour couronner le tout, le président sortant PS a décidé de priver le FdG d’élus malgré ses déclarations d’allégeance.
Une autre comparaison électorale doit absolument être faite. En 2008, aux cantonales, dans une seule moitié du pays, les candidats présentés par le PCF ont obtenu 9,3% et 1.150.000 voix, soit plus, que le Front de gauche au total dans 17 régions sur 22 en 2010.
Tous les chiffres que nous venons de donner doivent le céder à un seul qui doit être au centre des préoccupations des communistes. 53,6% des électeurs inscrits n’ont pas voté.
Ce fait majeur relativise entièrement les décomptes. Le Front de gauche ne représente que de l’ordre de 3% des inscrits. Par rapport aux échéances électorales antérieures et au vote communiste, il subit au moins autant que la moyenne le phénomène d’abstention. Parfois plus, dans des cités ouvrières ou des quartiers populaires où l’abstention atteint des sommets et où le vote communiste est habituellement plus fort. En ILE-DE-FRANCE, le « Front de gauche » n’a obtenu le vote que de 4,0% des inscrits en Seine-Saint-Denis en 2010, presque moitié moins que la liste de 2004 (7,8%). Idem dans le Val d’Oise : 2,1% contre 4,1%.
La presse bourgeoise déploie une analyse des résultats qui appelle notre attention. Elle tient en deux éléments.
D’une part, le résultat du « Front de gauche » est présenté favorablement, même avec une certaine complaisance. Par exemple, pour la journaliste du Monde, Sylvia Zappi, le « Front de gauche réussit son pari en distançant le NPA ».
Mais d’autre part, les journalistes attribuent ce résultat à leur nouvelle coqueluche Mélenchon, en continuant à enfoncer le PCF. Meilleur exemple, l’article des Echos du 17 mars : « le Front de gauche masque le déclin du Parti communiste ».
Nous réfutons ces deux interprétations complémentaires.
Nous avons assez montré combien les résultats du « Front de gauche » sont modestes et en retrait, par rapport notamment à ceux du PCF, des dernières élections comparables. On ne peut pas parler de succès, surtout vu combien ils traduisent un nouvel éloignement du monde du travail et des milieux populaires.
On ne voit pas en quoi le retour du NPA aux résultats de la LCR aux présidentielles de 2007, 3 à 3,5% dans les régions où il se présentait, devrait modifier cette analyse. Le NPA, avec son organisation peu nombreuse et hétéroclite, ses propres ambiguïtés stratégiques, voit ses résultats se dégonfler à mesure que le soutien médiatique lui fait défaut.
Quant à l’effondrement du Modem, il est totalement indépendant du résultat du « Front de gauche ». Se satisfaire que le FdG fasse plus que le Modem, c’est voir les choses avec la lorgnette politicienne de Jean-Luc Mélenchon et dans la perspective strictement institutionnelle de 2012 et des équilibres entre alliés (satellites) à « gauche » ou à « droite » du PS.
La deuxième analyse de la presse est tout aussi erronée. Les 6% des listes du « Front de gauche » correspondent très largement à l’électorat communiste, à la carte habituelle de l’implantation communiste.
Nous l’avons tous constaté bureau de vote par bureau de vote dans nos villes et villages. Les meilleurs résultats en témoignent tous : 43,58% à Trith-Saint-Léger, 30,93% à Avion (Nord-Pas-de-Calais), 34,22% à Dieppe (Haute-Normandie), 30,37% à Vierzon (Centre), 21,24% à Martigues (Provence), 34,18% à Gennevilliers, 30,17% à Valenton, 26,41% à Villejuif, 25,47% à Malakoff en Ile-de-France etc. Dans les régions où les têtes de liste n’étaient pas communistes, les résultats sont en deçà mais les meilleurs résultats sont aussi dans les zones de forte organisation communiste : Saint-Martin d’Hères, 20,20% (Rhône-Alpes), Bègles, 15,02 (Aquitaine), etc. Ces résultats coïncident cependant avec des taux d’abstention très préoccupants.
Les multiples partenaires du Front de gauche, même pris tous ensemble, ne pèsent que quelques milliers d’adhérents, et encore, la plupart étant des ex-PS maintenant au PG. Leur apport électoral est pratiquement partout négligeable. Seules quelques personnalités ex-PS, Marc Dolez dans le Nord, René Revol et quelques autres dans le Sud-ouest ont drainé avec eux, très localement, une petite partie de l’électorat socialiste.
Les résultats du Front de gauche ont montré aussi de petites progressions en pourcentage dans des quartiers centraux des grandes villes, notamment à Paris intra-muros (de 5,5 à 6,1%, de 2004 à 2010, tout en reculant de 39.000 à 34.000 voix). Sans modifier le constat d’ensemble, ils traduisent un petit succès dans la petite bourgeoisie. Mais sur quelles bases ?
Notre analyse nous amène donc au contraire exact de l’interprétation de la presse bourgeoise. Les résultats des listes du « Front de gauche » montrent une relative persistance du vote communiste et reflètent le maintien d’une implantation active du PCF. Mais elle nous conduit à étayer une hypothèse également inverse : la stratégie de « Front de gauche » n’a pas permis au PCF d’être une alternative électorale crédible, pour ceux qui souffrent et qui luttent, à l’abstention.
Sur un seul point, le recul du PCF sera indéniable. Notre parti va perdre presque la moitié de ses élus régionaux.
Mais cela n’a rien à voir avec le résultat des élections. C’est le résultat du choix autoritaire de la direction du PCF, celui de laisser la moitié des places aux partenaires, même insignifiants, du « Front de gauche ». Comme c’est leur choix de laisser le social-démocrate maastrichien Mélenchon jouer, à contre-emploi, une partition d’indépendance vis-à-vis du PS, se la jouer « anticapitaliste » pendant que nos dirigeants s’affichent derrière Aubry, Huchon et cie.
Là, pour les communistes, il y a matière à réfléchir et à réagir !