Jean-Luc Mélenchon aurait toute sa place dans le gouvernement Ayrault
Vivelepcf, 22 mai 2012
Jean-Luc Mélenchon évoque fréquemment le combat « homérique » qu’il a dû mener en 2000 pour obtenir un poste de ministre délégué du gouvernement Jospin et non un simple secrétariat d’Etat. Les marchandages entre courants du PS ont alors fonctionné à plein.
Changement de configuration en 2012 : Mélenchon jure qu’il ne répondra pas à la main tendue de François Hollande et ne rentrera au gouvernement, du moins le dit-il « à titre personnel » sans engager le PG et encore moins les autres composantes du Front de gauche. Il avait dit aussi qu’il ne se présenterait pas aux législatives… Volontiers cynique, il déclare qu’il a déjà assez profité de la « sinécure » que le PS lui a ménagée : 24 ans sénateur, 3 ans ministre...
Mais politiquement, on ne comprend pas comment il peut justifier ce choix sinon comme une posture tactique. Mélenchon aurait toute sa place au sein du gouvernement Ayrault.
Même s’il s’est fait plus discret ces derniers mois et s’est davantage référé à Mitterrand (nous n’avons décidemment pas le même Panthéon !) qu’à Jospin, le gouvernement de gauche « plurielle » reste son modèle.
Citons Mélenchon dans le texte: « Le gouvernement Jospin a été sans équivalent, non seulement sur le Vieux continent, mais surtout jusqu’à la vague récente des révolutions démocratiques en Amérique latine, dans le monde entier. Jospin a eu la politique la plus à gauche du monde au moment où il gouvernait. » Ou encore, Mélenchon de vanter le « caractère hors du commun de cet homme [son ancien camarade de l’OCI trotskyste] et de son orientation politique » (extraits de « En quête de gauche » - 2007, p 186 à 188).
A lire Mélenchon, on ne comprend pas pourquoi les électeurs ont à ce point sanctionné Jospin en 2002 et, par ailleurs, ont désavoué la participation du PCF à son entreprise de casse sociale.
Aujourd’hui, on ne voit vraiment pas l’obstacle politique à l’entrée de Mélenchon dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Le « social-libéral » Moscovici est ministre de l’économie. Delors ne l’était-il pas en 1981 ? Mais sinon ?
Tous les créneaux du discours de Mélenchon sont occupés.
Fabius, qui avait appelé à voter non à la « constitution » européenne comme lui, Maastrichien comme lui, est ministre des affaires étrangères. Le ministre délégué aux affaires européennes, Bernard Cazeneuve, a aussi mené campagne pour le non.
Michel Sapin, qui échange depuis des années avec des dirigeants du Front de gauche dans des clubs comme « Gauche avenir », est ministre du travail. Fabius, Sapin, Mélenchon faisaient partie de la même promotion gouvernementale nommée par Jospin le 27 mars 2000.
Arnaud Montebourg, égérie de la gauche interventionniste et de la 6ème République, tout comme Mélenchon, est ministre du « redressement productif » (plutôt des aides publiques aux entreprises). Avec Benoît Hamon, les complices de l’aile gauche du PS sont bien placés.
La présence à de bons postes de Christiane Taubira ou de Nadjet Belkacem prive aussi Mélenchon du terrain politique de la défense de la « diversité ».
Que reste-t-il au Front de gauche pour se distinguer à gauche du PS ?
La direction du PCF, quant à elle, a commencé logiquement à se ranger derrière le nouveau pouvoir. Pierre Laurent a adressé ses félicitations à Ayrault pendant que l’Humanité a fait du zèle en saluant l’absence « d’opportunisme dans la carrière de l’élu de Loire-Atlantique mais son goût du travail collectif » (édition du 16 mai 2012).
La période où Mélenchon pouvait se différencier par ses formules oratoires est terminée. Après le soutien « sans conditions » en rase campagne à Hollande, 5 minutes après le résultat du 1er tour, il n’est plus temps de traiter le nouveau président de « capitaine de pédalo ». Et il devient de plus en plus difficile, malgré quelques surenchères gratuites, de masquer à quel point le programme du Front de gauche est partagé, combiné avec celui du PS. Il s’applique à faire passer la gauche social-démocrate comme allant dans le bon sens, comme faisant de son mieux de façon réaliste, dans un contexte défavorable. C’est flagrant sur l’UE. Le Front de gauche s’applique, en refusant de remettre en cause Maastricht, à valoriser les tentatives de renégociations des nouveaux accords budgétaires mimées par Hollande.
Donnant un gage de plus au PS, le Front de gauche s’engage à ce que ses députés ne votent pas de motion de censure contre son gouvernement (Mélenchon – 20 mai 2012). Certains d’entre nous se souviennent des débats animés dans le PCF entre 1988 et 1993 qui avaient amené notre parti à voter par deux fois la censure contre Mitterrand-Rocard-Bérégovoy et leur politique de destruction des acquis sociaux. Cette possibilité est exclue d’avance avec le Front de gauche !
La supercherie Mélenchon, après leur déception du 1er tour des présidentielles, commence à se dégonfler. Les tenants de l’opération Front de gauche le redoutent et ils prennent des dispositions.
Nous saurons peut-être plus tard qui a imaginé de présenter Mélenchon dans le Pas-de-Calais contre Marine Le Pen : Pierre Laurent comme c’est prétendu officiellement? Mélenchon lui-même ? Le PS directement ? En tout cas, le coup politicien est habile dans cette situation.
Il permet de maintenir la médiatisation de Mélenchon, de nationaliser la campagne législative du Front de gauche, dans la suite des présidentielles, avec sa personne comme identifiant.
En se transformant en superman anti-Le Pen, en utilisant le FN comme repoussoir et faire valoir, Mélenchon et le Front de gauche se donnent une image de radicalité, « front contre front », sans se découvrir sur leur espace d'accord sur le fond avec le PS.
Peu importe qu’il s’agisse seulement de transférer une circonscription acquise au PS depuis 50 ans d’un socialiste à un autre. Une grande partie du PS de la circonscription d’Hénin-Beaumont soutient d’ailleurs Mélenchon dont Ségolène Royal a salué le « combat républicain ».
Peu importe que cela accorde une publicité supplémentaire à Mme Le Pen.
Peu importe que cela ridiculise un peu plus la « révolution citoyenne » réduite à un seul personnage en France qui se tient prêt pour le poste suprême en … 2022 !
Mais pour le PCF et pour le pays, le choix du Front de gauche se confirme lourd de signification.
A quelques nuances près et de très rares exceptions, Mélenchon est omniprésent sur le matériel de campagne dans les 541 circonscriptions de métropole. Comme s’il était candidat partout ! Pour la 6ème république annoncée rompant avec la personnification de la politique, il faudra repasser…
Plus que jamais pour la direction du PCF, le choix est celui de l’effacement. Le motif électoral, électoraliste, est ouvertement avancé, notamment pour le Pas-de-Calais: se cacher derrière Mélenchon va faire gagner des voix, peut-être des sièges !
Etre identifié comme communiste mais en refusant d’assumer des positions communistes conduit effectivement à l’expérience du 1,9% de Marie-George Buffet en 2007. Mais la voie de sortie, ce devrait être de les assumer !
Face à l’extrême-droite, comment imaginer que les numéros de bateleur de Mélenchon soient plus efficaces que l’action militante et le glorieux héritage des communistes de la Fédération du Pas-de-Calais ? Ils les dévalorisent !
Le soufflé Mélenchon/Front de gauche ne peut que se dégonfler, tôt ou tard. Son rôle de rabatteur de la social-démocratie et de canalisateur du mouvement social ne correspond pas à l'aspiration au changement que certains, beaucoup, ont cru y retrouver.
Pour les communistes, les réalités des luttes, de la lutte des classes, doivent reprendre le dessus, au-delà des brumes électorales, des calculs politiciens, de l’obligation minimale, sans illusions, de battre la droite. Le temps est à tenir nos positions communistes, à développer nos organisations sur des bases de lutte.
Sans attendre, préparons la riposte, entreprise par entreprise, quartier par quartier, à la politique de super-austérité que prépare Hollande sous l’égide de l’UE.
Faisons vivre et renforçons le PCF ! Assumons nos responsabilités !