Vivelepcf, 24 juillet 2012
Les événements de Syrie sont dramatiques. La situation de guerre, longtemps confinée à quelques villes, semble s’étendre à l’ensemble du pays. Il y a déjà des milliers de morts. Cela risque de n’être qu’un début. Début 2011, un mouvement pacifique et légitime s’est développé porteur d’aspirations sociales et démocratiques. Il a été réprimé d’une façon inacceptable avant une libéralisation politique relative et bien trop tardive. Les Etats-Unis, ses alliés européens de l’OTAN, Israël, ainsi que des dictatures du Golfe et la Turquie s’en servent comme prétexte à une ingérence massive, attisant la guerre, avec comme modèle et perspective, un scénario à la libyenne ou à l’irakienne, des dizaines de milliers de morts, une décomposition du pays, la fin de sa souveraineté, le pillage de ses richesses. En France, nous ne pouvons pas l’accepter, nous ne pouvons rester sans rien faire. Ce qui se passe en Syrie, c’est bien une guerre et non la répression d’une révolte populaire. Elle oppose deux forces armées, celle du régime en place d’une part, celle, d’autre part, structurée progressivement depuis des mois à partir d’éléments disparates et puissamment équipée par les puissances impérialistes qui ont intérêt à sa chute voire à l’éclatement de la Syrie. Les armes affluent via l’Arabie Saoudite et le Qatar. La Turquie sert de base arrière.
Une propagande mondiale est mise en œuvre pour justifier l’entreprise de déstabilisation de la Syrie. La télévision qatarienne Al Jezira inonde le monde arabe. La propagande est caricaturale en France. Elle n’est pas sans rappeler, par son outrance, celle qui précéda les guerres du Golfe.
Mais même les observateurs, lointains, « des droits de l’Homme », basés depuis des décennies à Londres ou à New York, à qui l’impérialisme a conféré un contrôle mondial totalitaire de « l’information », commencent à être obligés de reconnaître la situation de guerre. Il est ainsi maintenant avéré que le journaliste français Gilles Jacquier a été tué en janvier par un tir d’obus des « rebelles ». Les morts des « massacres » sont unilatéralement imputés à la cruauté du régime mais il se vérifie qu’ils ont été victimes aussi bien des armes et des crimes des uns que des autres, de l’horreur de la guerre. On ne peut plus cacher que, dans la population ou parmi les réfugiés, l’adhésion politique à la « rébellion » (ou au régime) est aussi faible que le refus de la guerre et l’inquiétude pour l’avenir du pays sont grands.
Comme d’habitude, la démocratie a bon dos. Ceux qui font semblant de découvrir que le régime, dont Bachar El Assad a hérité de son père, est un régime autoritaire, fondé entre autres sur un appareil répressif, prennent l’opinion publique pour des imbéciles. Ce sont les mêmes, qui tel Sarkozy sur la tribune du défilé du 14 juillet 2008, place de la Concorde, faisaient hier encore l’accolade au président syrien. Dans la croisade anti-syrienne pour la « démocratie » figurent, sans que cela n’émeuve les « amis de la démocratie » de sordides dictatures obscurantistes comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite…
Les forces impérialistes occidentales ont changé de stratégie vis-à-vis de la Syrie.
Après la disparition de son allié soviétique en 1991, elles avaient cherché à renforcer leur influence, en s’accommodant du système en place, sans se soucier, ici comme ailleurs, de liberté politique, mais en forçant la « libéralisation » de l’économie du pays. Le peuple l’a payé d’une remise en cause d’une partie ses acquis sociaux et d’une nouvelle montée de la corruption.
A la faveur du mouvement de protestation populaire comme dans d’autres pays arabes en 2011, l’impérialisme a trouvé le moyen politique de tenter d’abattre l’Etat syrien.
Les « révoltes arabes » lui ont déjà permis d’intervenir militairement en Libye et de faire éclater la république pétrolière dans l’intérêt de ses multinationales. En Tunisie et en Egypte, l’impérialisme a adroitement accompagné la substitution au pouvoir des dictatures d’hier par de nouvelles équipes dirigeantes islamistes ultra-réactionnaires, qui préservent au mieux ses intérêts et ceux des capitalistes locaux et ne laissent aucun espoir de libéralisation démocratique réelle, encore moins d’amélioration des conditions d’exploitation des travailleurs. Au Barheïn, il a laissé son allié saoudien écraser la révolte populaire par les armes.
En Syrie, dans ce contexte global, à défaut de possibilité, pour l’instant, si près d’Israël, d’intervention militaire directe, l’impérialisme a œuvré par la propagande, par l’action des services secrets, par l’action extérieure massive. Le travail de déstabilisation et d’organisation d’une opposition armée s’est révélé long et laborieux. Les groupes d’opposition politiques sont très divisés et peu représentatifs, en dehors des islamistes, notamment les bourgeoisies émigrées. Le régime El Assad, échaudé par la situation de ses voisins, a fait des concessions politiques comme la fin de l’état d’urgence et tenue d’élections pluripartites. Sa cohésion, construite sur des décennies de dictature, reste grande.
L’entreprise impérialiste et ses relais locaux se sont employés à détourner le mouvement social, légitime et pacifique, l’aspiration à une libéralisation politique, pour établir un climat de violence, à provoquer la réaction l’appareil répressif d’El Assad, à exacerber, par le sang, les divisions religieuses historiques, à dévoyer un par un des cadres du régime, à inonder d’argent et d’armes les candidats potentiels à la rébellion. Indéniablement, leur plan avance maintenant plus rapidement. Vers quelle perspective ? La plus sombre pour le peuple syrien.
Pourquoi la coalition impérialiste associant l’Occident, USA, UE, Israël, la Turquie, les dictatures du Golfe veut-elle détruire l’Etat syrien ? C’est le dernier Etat du monde arabe à affichage laïque et socialiste, non aligné historiquement sur l’impérialisme occidental. Il se situe géographiquement sur les routes du pétrole. Il possède la dernière armée non asservie à l’impérialisme occidental. La Syrie a été un point d’appui décisif dans la mise en échec en 2006 de la guerre israélienne au Liban. L’Etat colonialiste, fer de lance de l’impérialisme, ne le tolère pas et exige sa destruction. Pour la Turquie, dirigée par des islamistes, c’est aussi l’occasion d’étendre sa zone d’influence économique à ses portes, de renforcer la pression sur le peuple Kurde.
Le risque est maintenant réel d’un scénario à l’iraquienne avec décomposition de l’Etat, éclatement du pays, affrontements intercommunautaires, captation des richesses et paupérisation générale. Il n’y a pas d’illusion à avoir, c’est le choix de l’impérialisme. La « paix » en Irak depuis 2004 a fait entre 115.000 et 140.000 morts violentes. En Syrie, dans les années 20, les colonialistes français avaient déjà échafaudé un plan de partition du pays entre zones sunnite, alaouite etc.
La Russie, animée par ses seuls intérêts géostratégiques et économiques, s’efforce d’empêcher cette perspective, de rendre possible une transition politique qui maintienne une certaine cohésion et indépendance du pays, sous protectorat conjoint des puissances impérialistes.
L’urgence, c’est l’arrêt du processus de guerre. En France, nous pouvons agir pour la paix en Syrie.
François Hollande et Laurent Fabius se sont empressés mettre leurs pas dans ceux de Sarkozy, Hollande envisageant même une intervention militaire directe. La France confirme son rôle d’éclaireur de l’impérialisme américano-européen. Les leçons des expéditions derrière l’OTAN, décidées par les gouvernements successifs, en Afghanistan, en Irak et en Libye, dramatiques pour ces pays, lourdes pour le nôtre, ne suffisent donc pas !
Nous condamnons ces positions graves des gouvernants français. Nous demandons que la France exclue et condamne toute intervention militaire, sous l’égide de l’ONU ou non. Nous demandons qu’elle agisse, notamment à la tribune de l’ONU, pour :
- Un cessez-le-feu immédiat et l’ouverture de pourparlers entre les parties en guerre
- L’interdiction, sous peine de sanction, de toute livraison d’armes à l’un ou l’autre des belligérants
- La condamnation de toute intervention politique étrangère en Syrie.
- La défense des droits élémentaires de la femme et de l’homme en Syrie comme dans tous les pays de la région, dont l’Arabie Saoudite.
- La restauration de l’intégrité territoriale de la Syrie avec l’évacuation par Israël du Plateau du Golan illégalement annexé.
- Pour une reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-est comme capitale, clef de la paix dans toute la région.
La paix en Syrie passe par l’arrêt de l’ingérence impérialiste. L’avenir de la Syrie passe le respect du droit de son peuple syrien de lui-même et des richesses de son pays. Il passe par la paix.