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36ème congrès du PCF: accès au dossier (en lien)

       
       
         
30 novembre 2011 3 30 /11 /novembre /2011 16:37

Les JC des Bouches-du-Rhône réfléchissent sur le socialisme.

 

La direction du MJCF organisait le 12 novembre 2011 un débat interne sur le socialisme.

 

Les Jeunes communistes des Bouches-du-Rhône, avec de nombreuses autres fédérations, ont porté au dernier congrès de la JC l’exigence de clarification de notre projet révolutionnaire. Nous avons mis en avant l’actualité du socialisme, qui a été intégrée dans la résolution de congrès comme « phase transitoire ». Aujourd’hui, il est nécessaire que toute l’organisation s’approprie cet objectif et le lie avec toutes nos luttes.

Le texte qui suit synthétise nos débats préalables à la journée du 12 novembre. 

 

1.                   Validité théorique du socialisme – nécessité de l’analyse des expériences socialistes

 

Le capitalisme a fait son temps. Ses crises, qui sont parties intégrantes du système, se reproduisent à un rythme de plus en plus rapproché. Elles sont de plus en plus destructrices. Elles affectent maintenant la quasi-totalité de la planète. Dans le même temps, la socialisation (capitaliste) de la production est portée objectivement à un niveau jamais atteint.

Pour autant, il serait naïf de penser que le capitalisme va tomber tout seul, du simple fait de la nécessité historique, céder la place progressivement à un autre système de production. L’expérience nous montre au contraire qu’il sait se régénérer de ses propres crises.

Il y a vingt ans, forts de la victoire de la contre-révolution à l’est, le capitalisme et l’idéologie dominante enterraient le socialisme et affirmaient leur « pensée unique ».

Aujourd’hui, l’exigence d’une transformation radicale de la société revient en force. Mais le système met tous ses moyens pour contrôler, encadrer sa propre contestation, pour étouffer la perspective du socialisme.  

Le réformisme s’évertue ainsi à nier la notion de rupture. Pour nous communistes, la rupture révolutionnaire est la perspective nécessaire et le socialisme est son nom.

Certains mouvements de « gauche » envisage un « altercapitalisme », un capitalisme plus « humain ». C’est impossible. Un objectif comme celui d’un « meilleur partage des richesses » fait accepter la part du capital et légitime le système lui-même.

Dans nos rangs, le débat doit être poussé sur l’utilisation de la notion marxiste de « dépassement du capitalisme » qui ne doit pas être détournée pour nier l’exigence révolutionnaire.  

En rétablissant le socialisme comme « phase transitoire », notre dernier congrès s’est heureusement démarqué d’une autre conception fausse, celle du « communisme tout de suite ». Le formidable développement des techniques avec le capitalisme ne conduit pas mécaniquement à la société d’abondance répondant aux besoins. La domination de classe de la bourgeoisie, pluri-centenaire, ne s’effondre pas d’un coup. L’existence transitoire d’un Etat socialiste, d’une planification socialiste est nécessaire.

Le capitalisme est plus que jamais le mode de production dans notre société. Il a étendu, intensifié sa domination sur les peuples mais il n’a pas changé de nature. Nous devons rejeter les assertions selon lesquelles le « monde aurait changé » et donc que le socialisme que les communistes ont défendu au 20ème siècle serait obsolète.

Plus que jamais, au fondement du capitalisme se trouve la propriété privée des moyens de production et d’échange. Plus que jamais, l’appropriation collective par les travailleurs des principaux moyens de production et d’échange, c'est-à-dire le socialisme, est notre perspective de rupture révolutionnaire. Elle ne se confond pas avec les nationalisations en système capitaliste (que nous défendons selon les rapports de force). Elle ne se confond pas avec l’étatisme.

La notion de « socialisme », profondément ancrée dans la mémoire des travailleurs, revient également en force. C’est une chance historique. Cette théorie est la seule qui a permis, à partir de 1917, de mettre à bas le capitalisme. Cette vérité est essentielle.

A notre niveau, il est de notre responsabilité de ne pas la laisser dévoyer, de réaffirmer clairement les fondamentaux du socialisme.

Certaines des principales organisations de la collaboration de classe continuent à s’appeler « socialistes ». D’autres penseurs de « gauche » n’hésitent pas à s’approprier le terme, une fois vidé de son sens. C’est un danger que nous devons à tout prix éviter dans notre organisation.

Après 1989, dans le mouvement communiste, la tentation a été grande de plier devant l’idéologie dominante, de pratiquer une sorte « d’autophobie », se traduisant par un rejet total ou par l’indifférence vis-à-vis des expériences socialistes. Cette position révisionniste peut s’allier aujourd’hui, en contradiction apparente, avec une célébration des aspects les plus superficiels de l’histoire de nos organisations et des expériences socialistes : un folklore révolutionnaire cachant l’absence de théorie et de pratique. Notre mouvement doit clairement condamner ces deux travers.

 

Lors de la préparation de nos précédents congrès, nous avons constaté que notre analyse des expériences socialistes issues de 1917, dans leur diversité, d’abord de celle de l’URSS, restaient grandement à faire, d’un point de vue communiste. Cette question doit être mise à l’ordre du jour du MJCF.

Dans le feu de l’histoire, tout en poursuivant notre propre réflexion critique, l’expression de notre solidarité, sans réserves, avec les expériences socialistes actuelles, notamment en Amérique latine, en premier lieu à Cuba, est aussi une obligation politique.

Dans le mouvement communiste français, on est passé progressivement de l’évidence de la perspective socialiste à son éviction totale. Pousser le débat dans nos organisations sur cette question essentielle est absolument nécessaire. 

La référence théorique du marxisme-léninisme, matrice historique de nos organisations, ne peut pas être abandonnée sans autre forme de procès. Nous devons envisager notre rapport à cette théorie comme étant à actualiser, non pour la revisiter, mais pour rendre cette grille d'analyse lisible dans les conditions actuelles.

Dans l'idée d'actualisation et d'appropriation par les camarades de la perspective du socialisme, nous refusons de tomber dans un débat technique et économiste. L'objectif du socialisme ne doit pas être posé comme une question économique mais comme un choix politique. La question centrale est celle du pouvoir, du passage du pouvoir des mains d'une classe à une autre.

Quelles sont les voies possibles vers le socialisme en France ? A quelles exigences d'organisation répond l'objectif du socialisme ? C’est un enjeu majeur de la période.

 

2.                   Voies vers le socialisme en France

 

Le mouvement communiste français (PCF et MJCF) a engagé depuis des décennies la réflexion sur les voies menant au socialisme en France. Cette réflexion a été interrompue dans les années 90. Il faut qu’elle reprenne, sous peine de voir nos organisations continuer à se fondre dans la « démocratie » bourgeoise et ses institutions.

L’exemple de la Russie de 1917 ne s’est pas reproduit. Pourtant, la constitution des Soviets, l’intervention du Parti bolchévik en leur sein, cette forme de démocratie à la base, l’issue révolutionnaire qu’ils ont permise doivent continuer à être analysées dans nos organisations.

Notre lecture de classe de la société est essentielle dans notre conception du rassemblement et de notre parti pour le socialisme.

Si « 99% » de la population ont intérêt à la chute du capitalisme et à l’avènement du socialisme, ce n’est pas au même point, dans les mêmes conditions de prise de conscience de classe. La notion abandonnée de parti d’avant-garde doit être reconsidérée. La raison d’être des organisations communistes de se tourner vers la classe ouvrière (au sens large), la priorité à l’entreprise, restent valables.

Notre pratique politique, dans la JC, doit découler de cette analyse de classe. L’articulation entre nos campagnes, les revendications immédiates et notre projet de société doit être au centre de nos préoccupations.

Notre conception de l'union et de l'unité des travailleurs dépend de cette analyse de classe. Elle ne peut être confondue, comme c’est trop souvent le cas aujourd'hui, avec des alliances électorales.

Quels partis ou mouvements représentent réellement, en dehors des nôtres, la classe ouvrière, les couches intermédiaires ? Comment les organisations communistes peuvent jouer de leurs contradictions pour les amener à une perspective révolutionnaire ?

La stratégie de nos organisations, les alliances, pour aller au socialisme ont varié selon les périodes, l’état du rapport de force. Lors de notre réunion préparatoire, nous avons évoqué deux expériences très différentes : le Chili d’Allende et la « gauche » de Mitterrand en 1981. Elles méritent une analyse complète. Elles ne sont évidemment pas comparables.

Le gouvernement d’Allende, soutenu par le Parti communiste chilien avait pour objectif clair le socialisme. A son arrivée au pouvoir, il nationalise des pans entiers de l'économie et mène une politique en faveur des travailleurs. Cela a représenté un danger immense pour les intérêts des impérialistes qui ont fait payer à Allende et au Chili le prix fort. Mais nous pouvons dire que si Allende et la social-démocratie Chilienne voulait du socialisme, elle ne voulait pas de la révolution. Dans ce sens, elle n'a pas répondu aux appels du parti communiste qui demandait l'armement du peuple pour garantir le pouvoir des travailleurs. Cette distinction, cette contradiction, est cruciale à analyser dans nos rapports avec d'autres organisations qui disent vouloir le socialisme.

L’expérience du gouvernement de « gauche » après 1981 en France n’a évidemment rien à voir. Mitterrand et le PS ont utilisé l’Union de la gauche, le Programme commun, puis sa rupture pour affaiblir le PCF. Le socialisme n’a jamais été leur objectif, comme le « tournant libéral » dès 1983 l’a trahi. Les suites de 1981 ont été désastreuses pour les travailleurs de France, en termes de reculs sociaux, économiques et politiques.

Du côté des organisations communistes, le bilan n'a toujours pas été tiré de cette stratégie. Elle a été reproduite, en pire encore, dans la gauche plurielle après 1997 avec pour conséquence un affaiblissement sans précédent. La question est plus que jamais posée aujourd’hui : pourquoi rechercher une union de la petite gauche d’un côté et une nouvelle union de la gauche de l’autre avec des « partenaires » si éloignés de toute perspective socialiste ?

En 2011, le mouvement communiste français reste à la croisée des chemins. Il ne peut pas s’exonérer de la réflexion sur le socialisme, d’un débat ouvert, contradictoire, ancré dans la réalité du mouvement de classe. Sans reconsidération de la perspective socialiste, le risque se précise de finir de perdre l’acquis historique du mouvement communiste, de tomber dans le réformisme européen (PGE, CES, ENDYL, …) tel que l’idéologie dominante le construit.

Cette réflexion ne peut se limiter à la France. Une des priorités réside dans l’échange la coordination des organisations communistes au plan international. Le débat sur la perspective et les voies pour le socialisme est traverse l'ensemble du mouvement communiste international.

Confrontés à une offensive extrêmement violente du capital, les partis communistes de Grèce ou du Portugal font face. Ils ne s’exonèrent pas d’une réflexion de fond sur leur conception du socialisme en regard de l’histoire du mouvement communiste international. C’est le cas tout autant de leurs organisations de jeunesse. Le MJCF doit s’inspirer davantage de ces démarches.

 

Ce texte n’a pas pour vocation de fixer une position définitive, il est une piste de réflexion. Plus notre organisation se renforce, grâce à notre activité militante, plus l’exigence de préciser notre projet de société socialiste se fait grande.

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 20:51

Ni laisser dépasser, ni laisser embaumer Lénine !

 

Nous retransmettons la conférence que Jean Salem, professeur de philosophie, a prononcée au siège du PCF le 22 juin 2011.

 

Jean Salem est de ceux, des rares, qui n’entendent pas laisser Lénine parmi les « chiens crevés » de l’histoire. La criminalisation du communisme, sans parler de celle du « socialisme réel », idéal dénigré par certaines directions communistes elles-mêmes, y conduit au bout de 25 « années de plomb ».

Il est temps de revenir sur l’actualité entière de la pensée de Lénine, avec laquelle le conférencier, auteur de plusieurs ouvrages, s’est longuement familiarisé.

L’impasse des révoltes de cette année 2011 y ramène tout autant.

« Lénine et la Révolution » : l’intitulé de la conférence renvoie au titre du livre de Jean Salem de 2006 (édition Encre Marine).

L’auteur reprend ce qu’il a résumé en six thèses de Lénine :

1- La Révolution est une guerre, la politique suivant l’art militaire. 

2- La Révolution politique ne peut être qu’une révolution sociale.

3- L’existence d’un parti d’avant-garde est nécessaire à ces batailles.

4- Ce Parti d’avant-garde doit trouver les mots d’ordre correspondant à la situation politique objective et à la vie des peuples.

5- La révolution va avec, nécessite même, une lutte pour des réformes, aussi loin de l’anarcho-syndicalisme que du réformisme.

6- A l’ère des masses, la politique commence là où des millions d’hommes se lèvent en observant le déplacement tendentiel des foyers de la révolution vers les peuples dominés.

Son écoute, argumentée d’exemples présents, est parlante.

 

 

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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 18:17

Extrait de la "Guerre civile en France 1871" (Editions sociales - page 43)

 

"Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au Parlement [4], le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d’ouvriers, de contrôleurs et de comptables pour son affaire." Karl Marx

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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 15:22

« Décroissance ou socialisme ? »

 

par Domenico Moro, économiste marxiste italien, membre du Parti des communistes italiens (PdCI)

 

Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Ces dernières années s'est installée en Italie, comme dans d'autres pays avancés, ce qu'on appelle la théorie de la décroissance. Cette théorie tire sa fortune de divers facteurs. En premier lieu, de l'affaiblissement d'une tradition créative marxiste adaptée à notre époque, en partie en raison de l'offensive idéologique continue et massive à laquelle elle a été soumise de la part de la pensée dominante. La substitution de la contradiction homme-nature à celle travail salarié-capital, a été un des axes de cette offensive, qui a accordé une place centrale dans le débat public à des questions comme la crise écologique, l'épuisement des ressources naturelles et le changement climatique. Tous ces aspects ont contribué au développement de l'écologie comme courant politique autonome.

 

La décroissance, tout en appartenant à la tradition de l'écologie, en est une variante extrême. Selon la décroissance, il ne suffit pas d'éviter les gaspillages ou de miser sur un développement « durable » ou « éco-compatible » et sur les énergies renouvelables. Pour la décroissance, la seule planche de salut est de réduire drastiquement la consommation. Il ne suffit pas de stabiliser la croissance ou de réduire la stimulation compulsive de la croissance de la consommation, il faut revenir à des niveaux de consommation typiques d'une société pré-industrielle. La décroissance propose un modèle spécifique de société, « la société de la décroissance ». Celle-ci se caractériserait par une économie basée sur la petite propriété paysanne, locale et autarcique, dans laquelle les échanges entre divers territoires sont quasi inexistants, de fait une économie curieusement semblable à l'économie médiévale.

 

Une idée de société de ce type rentre pleinement dans le cadre des projets utopiques, qui abondent dans l'histoire des idées. Le retour à une société essentiellement paysanne, locale et autarcique impliquerait une régression de la société. Une économie basée sur l'auto-consommation annulerait les échanges et par conséquent réduirait à des niveaux très simples la division du travail. Cela se traduirait par l'affaiblissement de la productivité du travail lui-même, le développement scientifique et son application pour mettre les forces de la nature au service de l'Homme. Une économie de ce type pourrait soutenir au niveau mondial une pression démographique de quelques centaines de millions d'individus à l'échelle mondiale, et on comprend mal quel sort serait réservé aux sept milliards d'êtres humains que compte actuellement la planète.

 

Derrière la vision ingénue de la « société de la décroissance », plusieurs erreurs d'analyse, qui révèlent la faiblesse de ses fondements scientifiques, économiques et sociologiques. Une drastique réduction de la consommation et du développement est anti-historique, car cela ne s'est jamais produit dans l'historique que l'humanité régresse spontanément, et car il serait plus qu'improbable non seulement de ramener les centaines de millions d'européens et de nord-américains à la simple subsistance, mais surtout de nier à des milliards d'asiatiques, de latino-américains et d'africains la possibilité d'en sortir, comme en témoignent les soulèvements en Égypte et en Tunisie et les importants flux migratoires Sud-Nord actuels. Selon les théoriciens de la décroissance, ce serait la perspective millénariste et catastrophiste de la crise écologique et de l'épuisement des ressources naturelles qui se chargerait de convaincre des milliards d'individus de faire le grand bond en arrière.

 

Nous ne voulons pas nier la crise écologique, mais la décroissance oublie que les sources d'énergie et les technologies qui les utilisent ne sont pas des facteurs fixes dans l'histoire humaine. Elles sont des variablesdépendantes du développement des forces productives(en particulier de la recherche scientifique) et surtout, du moment que la technique n'est pas socialement neutre, de la modification des rapports de production. Ce qu'il faut comprendre, donc, c'est la cause de la crise écologique. La théorie de la décroissance fait fausse route en l'identifiant, en l'imputant exclusivement à l'industrie et à la consommation. Au contraire, la cause de la crise écologique est la même que celle de la crise économique, le mode de production capitaliste, basé sur la rapports de production travail salarié-capital. La consommation n'est pas la finalité du capital. La finalité du capital est le profit. Cela semble paradoxal, mais la théorie de la décroissance s'établit dans une phase historique où la consommation de masse, dans les pays les plus avancés, diminue et la pauvreté augmente, phénomènes allant de pair avec la contraction du salaire réel. Une phase dans laquelle les sociétés les plus avancées ne « croissent » plus, ou plutôt elles décroissent, à la suite d'une des crises les plus profondes de l'histoire du capitalisme. Et tout cela alors que ne cessent de croître les profits absolus, l'opulence des riches et donc que croissent leur – mais seulement la leur – consommation de luxe.

 

Pourtant, la décroissance nie que le problème soit celui des rapports de production basés sur le capital. Il nie également que la classe ouvrière puisse être la protagoniste de la transformation de la société et identifie socialisme et capitalisme comme des tendances nocives, développementalistes. La question devient ainsi éthique et morale, et la solution doit être recherchée dans un choix volontariste et individuel, dans la frugalité plutôt que dans la consommation équitable. La vraie question à poser, au contraire, avant même de savoir combien l'on produit, est pour quiet comment on produit. En effet, l'épuisement et le gaspillage des ressources humaines et naturelles dépendent non pas de l'industrie en soi, mais d'un système fondé sur la concurrence entre entreprises capitalistes et sur la recherche du profit maximal et le plus rapide possible. Cela dépend de l'anarchied'un système sans direction unitaire et sans coordination, source de gaspillages et de sur-production, dans lequel l'homme et la société n'ont pas le contrôle sur les forces productives, qui pourtant les ont créées, mais par lesquelles ils sont dominés, comme si elles étaient des forces aveugles de la nature. Crise économique et crise écologique apparaissent ainsi comme des manifestations, bien que diverses, de la révolte de l'économie et de la nature contre l’irrationalité même de ce mode de production.

 

La décroissance ne peut pas être la solution, à savoir que sa théorie dissimule les causes et empêche de leur trouver une solution, dérivant vers des recettes utopiques et paradoxales. Ce qui est à affirmer, ce n'est pas un bond en arrière dans les degrés de civilisation, mais la nécessité de la production rationnelle et de la redistribution de la richesse sociale. Ce n'est pas la décroissance, mais la planification qui est la solution à l'anarchie du capital. En effet, seule la reprise en main des forces productives par les travailleurs librement associés selon un plan rationnel, le socialisme, peut permettre le dépassement des crises économiques et des crises écologiques. En ce sens, la critique de la décroissance n'est pas une excentricité découlant d'un purisme idéologique, mais une opération de clarification, nécessaire à la lutte qui attend ceux qui veulent changer réellement l'état des choses présent, et un jalon dans la reconstruction d'une pensée critique actuelle et fondée scientifiquement.

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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 10:44

Actualité de la pensée de Lénine


110622_Salem.jpgRencontre avec Jean Salem

 

Professeur de philosophie à Panthéon-Sorbonne

Auteur de « Lénine et la révolution », édition Encre marine

 

Mercredi 22 juin de 19 H à 21 H

 

Salle des conférences - 6 avenue Mathurin Moreau à Paris 19ème

(Métro : Colonel Fabien)

 

« Lire et relire Lénine, pour préparer l'avenir »

Par Jean Salem, philosophe, professeur de philosophie à l'Université Paris-I Panthéon-Sorbonne (*).

 

«En pleine crise du capitalisme, même s'il ne faut pas feindre d'ignorer la montée de l'extrême droite et autres symptômes de désespoir, on discerne un besoin de perspectives politiques besoin qui s'exprime, ici et là sur la planète, dans des mobilisations fort diverses. L'œuvre et l'action de Lénine, penseur majeur de la révolution, nous éclairent dans cette recherche. J'identifie dans cette œuvre six thèses qui me paraissent avoir conservé toute leur actualité. 1 La révolution, tout d'abord, est une guerre. Lénine compare la politique à l'art militaire, et souligne la nécessité qu'existent des partis révolutionnaires organisés, disciplinés : car un parti n'est pas un club de réflexion (dirigeants du PS : merci pour le spectacle !). 2 Pour Lénine, comme pour Marx, une révolution politique est aussi et surtout une révolution sociale, c'est-à-dire un changement dans la situation des classes en lesquelles la société se divise. Cela signifie qu'il convient toujours de s'interroger sur la nature réelle de l'état, de la « République ». Ainsi, la crise de l'automne 2008 a-t-elle montré, avec évidence, combien dans les métropoles du capitalisme, l'état et l'argent public pouvaient être mis au service des intérêts des banques et d'une poignée de privilégiés. L'état, autrement dit, n'est nullement au- dessus des classes. 3 Une révolution est faite d'une série de batailles, et c'est au parti d'avant-garde de fournir, à chaque étape de la lutte, un mot d'ordre adapté à la situation et aux possibilités qu'elle dessine. Car ce ne sont ni l'humeur que l'on prête aux « gens », ni l' « opinion » prétendument mesurée par les instituts de sondages qui sont à même d'élaborer de tels mots d'ordre. Lorsque, au paroxysme d'une série de journées de manifestations, 3 millions de personnes se retrouvent dans la rue (c'est ce qui s'est produit en France, début 2009), il y a nécessité de leur proposer une perspective autre que la seule convocation d'un énième rendez-vous entre états-majors syndicaux. Faute de quoi, le mouvement s'épuise, et décourage ceux qui ont attendu en vain que leur soit indiquée la nature précise des objectifs à atteindre ainsi que le sens général de la marche 4 Les grands problèmes de la vie des peuples ne sont jamais tranchés que par la force, souligne également Lénine. « Force » ne signifie pas nécessairement, loin s'en faut, violence ouverte ou répression sanglante contre ceux d'en face ! Quand des millions de personnes décident de converger en un lieu, par exemple la place Tahrir, au centre du Caire, et font savoir que rien ne les fera reculer face à un pouvoir détesté, on est déjà, de plain-pied, dans le registre de la force. Selon Lénine, il s'agit surtout de battre en brèche les illusions d'un certain crétinisme parlementaire ou électoral, qui conduit, par exemple, à la situation où nous sommes : une « gauche » tendue presque tout entière vers des échéances dont une masse immense de citoyens, à juste raison, n'attend presque rien. 5 Les révolutionnaires ne doivent pas dédaigner la lutte en faveur des réformes. Lénine est, certes, conscient qu'à certains moments, telle réforme peut représenter une concession temporaire, voire un leurre, auquel consent la classe dominante afin de mieux endormir ceux qui tentent de lui résister. Mais il considère, cependant, qu'une réforme constitue la plupart du temps une sorte de levier nouveau pour la lutte révolutionnaire. 6 La politique, enfin, depuis l'aube du XXe siècle, commence là où se trouvent des millions, voire des dizaines de millions d'hommes. En formulant cette sixième thèse, Lénine pressent que les foyers de la révolution tendront à se déplacer toujours davantage vers les pays dominés, coloniaux ou semi-coloniaux. Et, de fait, depuis la Révolution chinoise de 1949 jusqu'à la période des indépendances, dans les années 1960 du siècle dernier, l'histoire a très largement confirmé ce dernier pronostic. Bref, il faut lire Lénine, après le déluge et la fin du « socialisme réel ». Le lire, et le relire encore. Afin de préparer l'avenir. »

 

Propos recueillis par Laurent Etre. Publié dans l’humanité du 29 avril 2011 

(*) Jean Salem est notamment l'auteur de Lénine et la révolution, Encre marine, 2006.

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 15:05

La journée internationale des travailleuses (extrait du discours de Lénine du 8 mars 1921)

 

"On ne saurait amener les masses à la vie politique sans y attirer les femmes. Car, en régime capitaliste, les femmes, la moitié de l’espèce humaine, sont doublement exploitées. L’ouvrière et la paysanne sont opprimées par le capital, et par surcroît, même dans les républiques bourgeoises les plus démocratiques, premièrement elles ne jouissent pas de tous les droits, car la loi ne leur confère pas l’égalité avec les hommes ; deuxièmement, et c’est là l’essentiel, elles restent confinées dans « l’esclavage domestique », elles sont des « esclaves du foyer » accablées par les travaux ménagers, les plus mesquins, ingrats, durs et abrutissants, et en général par les tâches domestiques et familiales individuelles.

 

La révolution bolchevique, soviétique, coupe les racines de l’oppression et de l’inégalité des femmes de façon extrêmement profonde, comme aucun parti, aucune révolution au monde n’ont osé les couper. Chez nous, en Russie soviétique, il ne subsiste pas trace de l’inégalité des femmes par rapport aux hommes au regard de la loi. Le régime des Soviets a totalement aboli l’inégalité odieuse, basse, hypocrite dans le droit matrimonial et familial, l’inégalité touchant l’enfant.

 

Ce n’est là que le premier pas vers l’émancipation de la femme. Aucun des pays bourgeois, même parmi les républiques les plus démocratiques, n’a osé faire ce premier pas. On n’a pas osé par crainte de la « sacro-sainte propriété privée ».

 

Le deuxième pas et le principal a été l’abolition de la propriété privée de la terre, des fabriques et des usines. C’est cela et cela seul qui fraye la voie de l’émancipation complète et véritable de la femme, l’abolition de l’ « esclavage domestique » grâce à la substitution de la grande économie collective à l’économie domestique individuelle. ..."

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21 septembre 2010 2 21 /09 /septembre /2010 15:34

« Capitalisme, socialisme(s), communisme » : sur le livre de Léo Figuères (2)

 

« Des perspectives lucides pour l’avenir, pour un socialisme du XXIème siècle qui ne répèterait pas les erreurs du passé. »

 

capitalismesocialismescommunisme.jpgLe livre que Léo Figuères vient de sortir est d’une rare densité. L’ancien dirigeant du PCF retrace de façon synthétique les expériences socialistes du 20ème siècle, URSS, pays de l’est, Chine, Yougoslavie, Cuba... Il les pose au pluriel, du moins entre parenthèses, dès le titre : « Capitalisme, socialisme(s), communisme ».

Il exprime la volonté de reprendre le fil d’une « appréciation critique et équilibrée de ces expériences », abandonnée à partir du début des années 90 par le PCF avec la perspective socialiste elle-même.

Son analyse a postériori s’avère très critique sur les phases de l’histoire de l’URSS, sur la ligne stalinienne, sur « l’analyse très superficielle du stalinisme qui a suivi » jusqu’aux « liquidateurs » comme Gorbatchev et Chevarnadze. Mais il refuse de considérer que rien ne doit être retenu et qu’il faille « écarter le terme même de socialisme ».

Il propose au PCF de reprendre la « cause laissée en friche » du « socialisme à la française », « autogestionnaire », de la « démocratie poussée jusqu’au bout ». La démocratie est le critère, la question omniprésente dans tout le livre. On pourra considérer qu’elle reste un sujet de recherche et de réflexion pour toutes les expériences évoquées comme pour le présent, après la lecture du livre.

Que l’on partage ou non toutes les analyses de Léo, son étude constitue une base remarquable et remarquablement accessible pour poser la question essentielle aux révolutionnaires de notre temps : celle de la rupture, de la perspective socialiste.

 

Editions du Temps des cerises, mai 2010, 10 euros, en vente militante dans plusieurs sections et fédérations du PCF.

 

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24 octobre 2008 5 24 /10 /octobre /2008 08:16

CENTRE D’HISTOIRE DES SYSTEMES DE PENSEE MODERNE
Université Paris 1




 Séminaire mensuel
sous la responsabilité de Stathis Kouvélakis (Londres, King’s College),
d’Isabelle Garo (Paris, Lycée Chaptal),
et Jean Salem (Paris 1)

avec le soutien du CERPHI
et de la revue ContreTemps (Textuel)
   

ANNÉE 2008-2009

samedi 25 OCTOBRE 2008,
de 14h à 16h
Domenico LOSURDO
Philosophe, professeur à l’Université d’Urbino (Italie)

Nietzsche, le rebelle aristocrate


Sorbonne
amphithéâtre Lefebvre

entrée : 17, rue de la Sorbonne,
Galerie Jean-Baptiste Dumas, escalier R, 1er étage
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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 10:14

Rosa Luxembourg : Quelles sont les origines du Premier Mai ?

L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures (1), est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.

De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.

Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les Etats-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1° mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1° mai 1890.

Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889 (2). A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne (3) de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1° mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.

A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1° mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1° mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1° mai devait être une institution annuelle et pérenne.

Le 1° mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1° mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1° mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1° mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.

Rosa Luxembourg, « Sprawa Robotnicza », 1894

(1) L’usage était alors une journée de travail d’au moins 10 à 12 heures par jour.
(2) Il s’agit du premier congrès de la II° internationale.
(3) Raymond Lavigne (1851- ?), militant politique et syndicaliste.
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17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 21:00

Relire Rosa Luxemburg

Après l’assassinat de Rosa Luxemburg le 15 janvier 1919, Lénine avait demandé la publication de l’ensemble de ses écrits. A l’occasion de la commémoration annuelle des fondateurs du Parti communiste allemand, nous jugeons opportun de relire notamment les deux passages qui suivent.

Quand Rosa Luxembourg dénonçait dans le réformisme l’abandon (ou la négation ?) du socialisme

Dans cet extrait de « Réforme sociale ou révolution » écrit en 1899, en réponse au livre révisionniste d’Edouard Bernstein, « les problèmes du socialisme », Rosa Luxembourg démontre que le réformisme social-démocrate n’est pas une autre voie vers le socialisme, un autre moyen pour un même but, mais la négation du but final : la société socialiste. Si la démocratie donne de nouveaux moyens d’actions et de mobilisations aux révolutionnaires, elle ne les dispense pas de faire la révolution.

« Le sort de la démocratie est lié, nous l’avons vu, au sort du mouvement ouvrier, mais le développement de la démocratie rend-il superflue ou impossible une révolution prolétarienne, c’est-à-dire la prise du pouvoir d’Etat, la conquête du pouvoir politique ?

Bernstein tranche cette question en pesant minutieusement les avantages et les inconvénients de la réforme par la loi et de la révolution, avec la tranquillité d’âme, à peu près, de quelqu’un qui pèserait de la cannelle ou du poivre dans une coopérative de consommation. Dans le cours légal du développement, il voit l’action de l’intelligence, dans son cours révolutionnaire, celle du sentiment ; dans le travail de réforme, une méthode lente, dans la révolution, une méthode rapide du progrès historique ; dans les lois, une force méthodique, dans l’insurrection, une force élémentaire.

On sait depuis longtemps que le réformateur petit-bourgeois voit dans toute chose un « bon » et un « mauvais » côté » et qu’il broute un peu dans tous les prés. Mais on sait aussi depuis longtemps que le cours réel des événements se soucie très peu des combinaisons petites-bourgeoises et que le petit tas des bons côtés de toutes les choses possibles du monde, amoncelé avec soin, il le fait valser d’une chiquenaude. En fait, nous voyons que, dans l’histoire, la réforme par la loi et la méthode révolutionnaire obéissent à des raisons beaucoup plus profondes que les avantages ou les inconvénients que chacune d’elles peuvent présenter.

Dans l’histoire de la société bourgeoise, la réforme par la loi a servi à renforcer progressivement la classe montante jusqu’à ce que celle-ci se sentît suffisamment forte pour s’emparer du pouvoir politique et jeter bas tout le système juridique existant, pour en construire un nouveau. Bernstein – qui fulmine contre la conquête du pouvoir politique dans laquelle il voit une théorie blanquiste de la violence – n’a pas de chance : il prend pour une erreur de calcul blanquiste ce qui constitue depuis des siècles le pivot et le moteur de l’histoire humaine. Depuis qu’il existe des sociétés divisées en classes et que la lutte de classes forme le contenu essentiel de leur histoire, la conquête du pouvoir politique a toujours été le but des classes montantes ainsi que le point de départ et le point d’aboutissement de chaque période historique ; c’est ce que vérifient les longues luttes de la paysannerie contre les financiers et contre la noblesse dans l’ancienne Rome, les lutes du patriciat contre les évêques, et celles des artisans contre les patriciens dans les villes médiévales ainsi que les luttes que la bourgeoisie, à l’époque moderne, libre au féodalisme.

La réforme par la loi et la révolution ne sont donc pas des méthodes différentes de progrès historique que l’on pourrait choisir à son gré au buffet de l’histoire, comme on choisit des saucisses chaudes ou des saucisses froides : ce sont des phases différentes du développement de la société de classes qui se conditionnent et se complètent l’une l’autre tout en s’excluant réciproquement, comme par exemple le pôle sud et le pôle nord, la bourgeoisie et le prolétariat.

Et en effet, à n’importe quelle époque, la constitution légale n’est rien d’autre qu’un produit de la révolution, tandis que la révolution est l’acte de création politique de l’histoire de classes ; la législation n’est autre chose que l’existence politique de la société qui continue à végéter. Le travail de réforme par la loi ne recèle aucune force motrice propre, indépendante de la révolution ; il ne s’accomplit, à chaque période historique, que dans la direction que lui a imprimée la dernière révolution et aussi longtemps que cette impulsion continue à se faire sentir, ou, pour parler plus concrètement, seulement dans le cadre de la forme sociale créée par la dernière révolution. Tel est justement le nœud de la question .

Il est tout à fait faux et ahistorique de se représenter l’action réformatrice uniquement comme une révolution étirée en longueur, et la révolution comme une réforme condensée. Une révolution sociale et une réforme par la loi ne sont pas des moments distincts par leur durée, mais pas leur essence. Tout le secret des bouleversements historiques par l’utilisation du pouvoir politique réside précisément dans le passage brusque de simples modifications quantitatives à une qualité nouvelle ou, en langage concret, dans le passage d’une période historique à une autre, d’une forme de société à une autre.

C’est pourquoi quiconque se prononce pour la voie des réformes par la loi au lieu de et par opposition à la conquête du pouvoir politique et à la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus tranquille, plus sûre et plus lente qui conduirait au même but, mais il choisit un but différent : au lieu de l’instauration d’un nouvel ordre social, il choisit d’apporter à l’ordre ancien uniquement des retouches. C’est ainsi qu’en partant des considérations politiques du révisionnisme, on aboutit à la même conclusion qu’en partant de ses théories économiques, c’est-à-dire qu’elles ne visent pas au fond à la réalisation de l’ordre socialiste, mais uniquement à réformer l’ordre capitaliste, non pas à l’abolition du salariat, mais au dosage de l’exploitation, en un mot, elles tendent à supprimer les tumeurs du capitalisme, mais non le capitalisme lui-même.

[…]

Si, pour la bourgeoisie, la démocratie est devenue tantôt superflue tantôt génante, elle est en revanche nécessaire et indispensable à la classe ouvrière. Nécessaire primo, parce qu’elle crée des formes politiques (autonomie administrative, droit électoral, etc.) qui serviront au prolétariat de point de départ et d’appui dans son travail de transformation de la société bourgeoise ; deuxièmement indispensable, parce que le prolétariat ne peut parvenir à la conscience de ses intérêts de classe et de ses tâches historiques que dans le cadre de la démocratie, dans la lutte pour la réaliser, dans l’exercice des droits démocratiques.

En un mot la démocratie est indispensable, non pas parce qu’elle rend superflue la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, mais au contraire parce qu’elle rend cette prise du pouvoir nécessaire et que seule elle la rend possible. Quand Engels, dans sa préface aux Luttes de classes en France, révisait la tactique du mouvement ouvrier moderne en opposant aux barricades la lutte légale, il ne traitait pas – ce qui ressort clairement de chaque ligne de cette préface – de la conquête définitive du pouvoir politique, mais de la lutte quotidienne actuelle ; il ne parlait pas de l’attitude du prolétariat vis-à-vis de l’Etat capitaliste au moment de la prise du pouvoir, mais de son comportement dans le cadre de l’Etat capitaliste. En un mot, Engels donnait des directives a prolétariat opprimé et non au prolétariat victorieux. »

 

Contre les écueils de l’ « opportunisme » et du « gauchisme »

Dans ce deuxième extrait de « Réforme ou révolution », Rosa Luxembourg s’attaque aux dangers qui guettent les révolutionnaires : l’opportunisme réformiste, qui abandonne le socialisme et accepte le capitalisme comme horizon indépassable ; et le gauchisme sectariste, qui au nom d’un but final idéalisé, abandonne la lutte quotidienne pour les réformes et se coupe des masses.


« Certes lutte de classes prolétarienne et système marxiste ne sont pas historiquement identiques. Avant Marx et indépendamment de lui ont existé, un mouvement ouvrier et divers systèmes socialistes qui, chacun à sa manière, exprimaient théoriquement les aspirations de la classe ouvrière à s’émanciper, en fonction des conditions de l’époque. Le socialisme fondé sur des notions morales de justice, la lutte dirigée contre le mode de production, les antagonismes de classes conçus comme oppositions entre riches et pauvres, l’effort pour greffer le « coopératisme » sur l’économie capitaliste, tout cela, que nous retrouvons dans le système de Bernstein, a déjà existé autrefois. Et ces théories, en dépit de toute leur insuffisance, étaient, en leur temps, de véritables théories de la lutte de classe prolétarienne. C’étaient les souliers géants dans lesquels un prolétariat encore enfant s’essayait à marcher sur la scène de l’histoire.

Mais une fois que l’évolution de la lutte des classes elle-même et de ses conditions sociales a conduit à se débarrasser de ces théories et à formuler les principes du socialisme scientifique, il ne peut plus – au moins en Allemagne – y avoir de socialisme en dehors du socialisme de Marx. Il ne peut plus y avoir de lutte de classe socialiste en dehors de la social-démocratie. Désormais socialisme et marxisme, lutte d’émancipation prolétarienne et social-démocratie sont des termes identiques. Revenir aujourd’hui à des théories du socialisme prémarxiste ne signifie donc pas qu’on rechausse les souliers du prolétariat encore enfant, non, c’est une rechute dans les savates naines, les savates éculées de la bourgeoisie.

[…]

Et la doctrine marxiste n’est pas seulement à même de réfuter Bernstein sur le plan théorique ; seule elle est capable d’expliquer l’opportunisme en tant que phénomène historique dans le devenir du parti. La marche historique du prolétariat jusqu’à la victoire n’est effectivement pas une chose simple. Toute l’originalité de ce mouvement réside en ce que, pour la première fois dans l’histoire, les masses populaires doivent réaliser leurs idées par elles-mêmes et contre toutes les classes dominantes, mais situer leur objectif au-delà de la société actuelle, par-delà cette société. Or cette volonté consciente, les masses ne peuvent la développer que dans une lutte continue contre l’ordre existant, et dans le cadre de cet ordre. Associer la grande masse populaire à un objectif qui se situe au-delà de l’ordre existant, allier la lutte quotidienne à la grande réforme du monde, tel est le grand problème qui se pose au mouvement social-démocrate. Conséquemment, il doit progresser en évitant deux écueils : abandon du caractère de masse et abandon du but final, retombée à l’état de secte et culbute dans le mouvement réformiste bourgeois, anarchie et opportunisme.

Certes, il y a un demi-siècle déjà, la doctrine marxiste a réuni, dans son arsenal théorique des armes destructrices contre ces deux extrêmes. Mais comme notre mouvement est un mouvement de masse et que les dangers qui le menacent ne germent pas dans les cerveaux humains mais naissent des conditions sociales, la théorie ne pouvait pas d’avance, une fois pour toutes, nous mettre à l’abri des déviations anarchistes et opportunistes. Ce n’est qu’après être passées du domaine théorique au domaine pratique qu’elles peuvent être surmontées par le mouvement lui-même, uniquement, il est vrai, à l’aide des armes fournies par Marx. La social-démocratie a déjà surmonté avec le « Mouvement des indépendants » le moindre de ces deux dangers : la roséole anarchiste. L’autre péril, plus redoutable, l’hydropisie opportuniste, elle est actuellement en train de le surmonter. »

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