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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 17:12

«Quelles perspectives pour le mouvement communiste en Italie ? »

Rencontre-débat avec Andrea CATONE, historien, militant du Parti de la Refondation Communiste, collaborateur de la revue « l’Ernesto ». A l'invitation d'Emmanuel Dang Tran et Claude Fainzang, membres du CN du PCF.

Paris, Ecole Normale Supérieure, le 17 mai 2008.


Retranscription de l’introduction d’Andrea CATONE (par JV pour vivelepcf – non revue par l’orateur)

 

La défaite des forces de gauche est inattendue et sans précédent.

         La gauche italienne vient de connaître une débâcle sans précédent, qui créé une situation inédite : pour la première fois depuis la fin du fascisme, la « gauche de classe » n’est plus représentée au Parlement. L’échec de la coalition de Gauche Arc en Ciel (GAC) est très grave : les groupes qui la composaient (Parti de la Refondation Communiste - PRC, Parti des Communistes Italiens - PdCI, Verts et Gauche Démocrate - SD) avaient recueilli 10,2 % des voix aux dernières élections, non compris les dissidents de la DS. Avec les dissidents de la social-démocratie, les SD, le potentiel électoral était de 12 % … pour un résultat de 3 % seulement ! Depuis 2006, date des dernières élections, les organisations formant la Gauche Arc en Ciel perdent près de 3 millions de voix. Où sont passés les électeurs ? Une petite partie s’est tournée vers le Parti Communiste des Travailleurs et la Gauche Critique, organisations dissidentes du PRC, qui ont regroupé environ 500.000 voix. Mais où sont partis les autres ? Vers l’abstention, vers le vote blanc ? Quelle partie s’est reportée sur le Parti Démocrate (PD), par un réflexe de « vote utile » ? Il faut voir que beaucoup d’électeurs sont partis vers la Ligue du Nord ou vers Italie des Valeurs, le mouvement social-libéral de l’ancien juge Antonio Di Pietro, allié du PD.

         A vrai dire, une défaite d’une telle ampleur était inattendue : on espérait dans les directions des organisations de la Gauche Arc en Ciel environ 7 ou 8 % à l’échelle nationale. L’échec est également très grave dans les Pouilles, région présidée depuis 3 ans par Nicchi Vendola du PRC, où la GAC ne recueille que 3 % des voix. La défaite de la GAC est homogène sur le territoire. Parallèlement, la victoire de Berlusconi et de la Ligue du Nord est éclatante, et ce sur l’ensemble du territoire. Plus inquiétant encore, la Ligue du Nord (LN), parti réactionnaire et xénophobe demandant la sécession du nord de la Péninsule, allié turbulent de Berlusconi, obtient à l’échelon national le meilleur score de son histoire. Le renforcement de son implantation est très net, avec des scores de 30 à 40 % localement, comme en Lombardie ou en Vénétie. La LN réalise aussi une percée dans les « régions rouges », notamment l’Emilie-Romagne ou la Toscane, y prenant vraisemblablement des voix aux organisations communistes.

         On comprend le désappointement des communistes italiens : en effet, quelles sont les perspectives pour le mouvement communiste italien, après une défaite de cette ampleur ? L’histoire des communistes italiens est-elle terminée ?

La gauche et le centre au gouvernement : le bilan des expériences est incontournable.


Les communistes italiens ont soutenu tous les gouvernements de centre-gauche depuis 1998. Il est donc indispensable de revenir sur la politique de Prodi et du bloc dont il a été la figure de proue pendant près de 10 ans : ce bloc a été à deux reprises aux affaires, une première fois avec les gouvernements Prodi, puis d’Alema et Amato, une seconde en 2006/2008 avec Prodi. On peut considérer que ces gouvernements ont loyalement servi les intérêts du capital européen : soutenus par le PRC et les Verts, avec le PDS comme force-pivot, ils ont systématiquement privatisé, en particulier dans le secteur de l’industrie lourde (historiquement à forte participation publique en Italie dès les années 1920, si bien qu’on a pu parler de « capitalisme d’Etat »). Même Berlusconi n’est pas allé aussi loin que Prodi et ses alliés dans la privatisation de l’industrie ! (Parenthèse : il ne s’agit pas de faire des nationalisations une fin en soi. Comme Engels le souligne dans l’Anti-Dühring, le capitalisme d’Etat reste du capitalisme. Les nationalisations n’amènent pas au dépassement du capitalisme : elles sont cependant une manière de sortir de capitalisme, une forme transitoire, qu’il s’agit de faire déboucher sur autre chose). Autre point, les contrats de travail, que les gouvernements Prodi se sont attelés à démanteler, tant et si bien qu’aujourd’hui en Italie la précarisation du travail est très avancée, et qu’il est presque impossible d’obtenir un CDI. Une telle politique n’aurait pas été possible sans le soutien de la CGIL (Confédération Générale Italienne des Travailleurs, principal syndicat ouvrier proche du PCI puis du PDS) au gouvernement Prodi et son absence d’opposition réelle à « l’autre fraction de la bourgeoisie » autour de Berlusconi. Après 1993 en effet, les syndicats italiens (CGIL et autres) se lancent avec les gouvernements successifs et la Cofindustria (confédération patronale italienne) dans une politique de modération salariale : aujourd’hui les salaires italiens sont parmi les plus faibles d’Europe Occidentale. Cette politique n’a pas réussi : l’Italie connaît un déclin économique réel (avec une chute des indicateurs économiques et une dégradation de la qualité des productions), le capitalisme privé ne s’est pas véritablement développé, et ce malgré les privatisations et la casse des contrats de travail.   

On peut dire ainsi que « la gauche n’a pas su faire son travail » au gouvernement. La dégradation de la condition des travailleurs est réelle, les réformes fiscales ont augmenté les impôts pesant sur la petite bourgeoisie et les travailleurs (notamment les impôts locaux), des coupes sombres ont été effectuées dans les budgets sociaux. Le pire est que les mouvements sociaux qui ont porté le bloc Prodi au pouvoir en 2006 ont été trahis dans leurs aspirations : fin 2003, 3 millions de personnes manifestaient à Rome contre la guerre en Irak ; à la même époque, des centaines de milliers de travailleurs se battaient contre la réforme du droit du travail touchant aux modalités des licenciements. Or le gouvernement Prodi a fait voter les crédits militaires pour l’OTAN, en autorisant l’installation d’une base à Vicence ; allant plus loin que Berlusconi, il a fait passer un projet d’allongement d’un an du temps de cotisation pour les retraites. Dans une telle perspective, la présence des communistes au gouvernement est donc au mieux inutile, au pire dangereuse, en servant de caution progressiste à des politiques de régression sociale.


Il est nécessaire d’analyser la victoire de la droite : la constitution d’un « bloc social » berlusconien.

 

         Quelle analyse faire de cette droite ? Le problème est que celle-ci n’a pas été menée par la gauche italienne, toutes tendances confondues, qui s’est contentée de diaboliser le personnage Berlusconi et sa manière de gouverner l’Etat au service de ses intérêts. Depuis 15 ans que « l’entrepreneur médiatique » Berlusconi dirige la droite, ce ne sont pas moins de 150 livres qui ont paru sur lui : mais cet « anti-berlusconisme » primaire n’a jamais tenté d’analyser le contenu social, la nature de classe du berlusconisme. Or le fait est que Berlusconi est parvenu à construire un « bloc social », en s’appuyant sur la puissance de ses média et en jouant sur son image de self-made-man. « Il a vendu des rêves ».

On peut dire globalement que le « bloc Berlusconi » est une coalition du peuple et des petits entrepreneurs plutôt opposés à l’UE (ne serait-ce que parce que Prodi a loyalement servi les intérêts du grand capital à Bruxelles comme président de la Commission européenne puis à Rome). Au l’inverse, les européistes sont plutôt anti-Berlusconi, et plus ou moins clairement pro-Prodi : Berlusconi représente en fait une droite non européiste, voire potentiellement anti-UE. La petite entreprise familiale a en Italie une importance économique et culturelle qu’on soupçonne difficilement en France : Berlusconi est parvenu à exprimer les aspirations des petits entrepreneurs. Ce que les communistes italiens n’ont pas vu, c’est que si le capital est généralement uni contre les travailleurs, il n’en n’existe pas moins des contradictions réelles au sein du capital entre les différents types de capitaux : entre la petite entreprise et le grand capital notamment. A destination des classes populaires, le bloc Berlusconi mène des campagnes sécuritaires et racistes aussi, hélas avec succès : les travailleurs ont voté pour la droite, surtout dans le nord.

Le problème est que le déficit d’analyse des partis communistes italiens s’étend aussi à l’évolution du PDS. Au nom de « l’anti-berlusconisme », ils ont accordé leur soutien à Prodi. Depuis 1991 le PDS ne se référait plus à la social-démocratie, mais à la « démocratie » et à la « gauche », ce qui pose la question du contenu de ces deux termes. Par son nom même le PDS n’a plus vocation à soutenir le monde du travail et à lutter avec lui. La notion de bloc social ayant été occultée dans leur analyse politique, les communistes étaient dans l’incapacité à agir contre la constitution du bloc social berlusconien et à réorganiser le mouvement ouvrier italien en conséquence.

Retour sur la constitution de la Gauche Arc en Ciel : l’aboutissement d’un processus de plusieurs années.

         La constitution de la GAC s’ancre dans les derniers mois du gouvernement Prodi. Celui-ci tombe « sur sa droite », quand des centristes quittent le gouvernement à propos du projet de référendum en juillet sur la loi électorale, l’idée étant d’aller vers un scrutin de type majoritaire. Ici, une parenthèse s’impose. Dès la Libération, le PCI est le principal soutien à la constitution de la République italienne, imprégnée de l’esprit de la Résisitance : il s’agissait de conjurer toute nouvelle expérience fasciste et de contrecarrer toute tentative de pouvoir autoritaire, d’où un tour très anti-présidentialiste et très parlementariste. Mais dès la fin des années 1970, des démocrates-chrétiens et des socialistes, regroupés entre autres dans la loge maçonnique P2, se battent contre le pouvoir du parlement. Dans un contexte de luttes sociales très fortes, qui se prolongent 10 ans après 1968, il s’agit de conjurer la lutte des classes en réorganisant la politique autour d’un centre-gauche et d’un centre-droit pratiquant l’alternance sans changer fondamentalement de politique. La fonction de ce bipartisme, comme dans le cas américain, est d’écarter la représentation des travailleurs et de favoriser l’alliance des différentes factions de la bourgeoisie. C’est en ce sens qu’en 1993 est introduite la prime majoritaire pour les élections « politiques » (parlementaires), position soutenue à bout de bras par Achille  Occhetto, artisan de la transformation du PCI en PDS. La boucle est bouclée : il s’agit de rendre impossible la représentation des communistes, des progressistes, … au Parlement. On a ici un des aspects de l’offensive contre les travailleurs et leurs moyens d’expression politiques.

Les deux grands partis (Forza Italia et le PD) avaient comme projet commun de renforcer le bipartisme, sur le modèle américain, en constituant deux blocs politiques : le berlusconisme (centre-droit allié aux fascistes et postfascistes) d’une part, alliance des DS et de La Marguerite de l’autre. La comparaison avec les Etats-Unis n’est pas fortuite : elle imprègne les dirigeants du PDS et de la Marguerite (démocrates-chrétiens de centre-gauche), qui se sont fondus en un « Parti Démocrate ». L’orientation de celui-ci est claire : Veltroni a dit refuser la lutte des classes, qui « engendre la haine ». Cofindustria : présente sur les listes du PD, qui se présentait sur une ligne « interclassiste », prétendant se tenir à mi-chemin des travailleurs et des entrepreneurs. On savait en fait que le bloc Prodi allait perdre. Les élections locales de mai 2007 avaient été une défaite pour lui, les communistes connaissant à cette occasion un grave échec, notamment dans l’électorat ouvrier du nord. Les organisations communistes ont par exemple perdu plus de la moitié de leurs voix dans le nord, notamment dans la banlieue de Milan. Sachant qu’il allait perdre, Veltroni a fait le choix de la « normalisation » politique, en refusant toute alliance avec les communistes. Il s’agissait de se débarrasser des communistes en tant que force politique, et de rechercher les convergences au centre : au fond, les programmes de Veltroni et Berlusconi étaient interchangeables.

         Le PD ayant exclu toute alliance avec la gauche, celle-ci s’est ainsi trouvée prise au dépourvu et menacée de ne pas être représentée au parlement à cause des seuils électoraux : la GAC est donc une alliance improvisée et de circonstance. Son projet n’a pas été clairement défini, tout comme ses rapports avec le PD : définition d’autant plus difficile à trouver que la Gauche Démocratique, membre de la gauche arc-en-ciel est issue du PDS, qui avait tourné le dos au communisme ! A vrai dire, on a là encore l’aboutissement d’un processus d’effacement du combat de classe et de la référence communiste au sein des organisations communistes italiennes, initié par le dirigeant historique du PRC, Fausto Bertinotti. En 2001, il formulait le projet de dépasser PRC en le fondant dans les différents mouvements (altermondialistes, anti-guerre.) ; en 2004, il s’agissait de s’allier avec Prodi au sein de l’Union pour battre Berlusconi. Avant les élections, Bertinotti proposait ainsi avant les élections le dépassement du PRC dans un « sujet de gauche », qu’il comparait à la formation du PGE en Europe. Pour lui, le communisme était amené à rester une « tendance culturelle » au sein du parti de la gauche : une « réserve indienne » ... 

Que faire ?

         Les forces progressistes sont, en Europe, dans une situation extrêmement difficile. Le rapport de forces globalement défavorable, les attaques contre les organisations communistes, notamment en République Tchèque, sont très dures. Cela va dans le sens de la politique du capital. Parallèlement les organisations communistes sont tentées par des mutations de ligne. Le PRC a par exemple une ligne historique d’opposition à la participation des soldats italiens aux opérations de l’Otan. L’Italie compte 12000 soldats en tout en mission pour l’OTAN : au Kosovo et en Afghanistan surtout. Actuellement, Nicchi Vendola, dont il a déjà été question, n’exclut pas une participation accrue à l’OTAN. Ainsi, tout n’est pas question de changement de noms et de symboles ! C’est le contenu politique des combats qui est aussi en jeu.

         Le PRC comprend aujourd’hui plusieurs tendances, qui vont s’affronter lors du congrès de cet été. La première autour de la direction sortante, qui envisage la dissolution du PRC dans un « sujet de gauche », ce que propose par exemple Nicchi Vendola. Une deuxième tendance entend conserver l’organisation PRC : elle regroupe une partie de l’ancien courant majoritaire et le groupe « Être communistes ». Fondamentalement, elle cautionne les orientations du PGE. Une troisième tendance veut tenter une réunification des communistes, sur une base communiste : cela passe par une réorganisation (syndicale et politique) du mouvement populaire sur la base d’une opposition progressiste au gouvernement. Il s’agirait ainsi de s’opposer aussi aux directions syndicales, notamment celles de la CGIL, et à leur politique de cogestion du capitalisme avec le patronat. L’idée serait de faire du mouvement syndical une courroie de transmission, mais dans l’autre sens que celui que l’on a pu connaître : le parti doit relayer les luttes sociales.

        

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