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NOUVELLE RUBRIQUE : "BILLETS D'HUMEUR"
Qu’est-ce qui se trouve derrière l’autocollant « Je lutte des classes » ?
Depuis plusieurs années, les manifestations sont devenues un peu la foire aux autocollants. C'est à l'organisation qui aura le slogan le plus prenant ou le visuel le plus accrocheur que puissent afficher les militants, les manifestants (ou les collectionneurs…).
Dans les grands défilés de ces dernières semaines pour les retraites, un autocollant a été très largement diffusé, notamment à Paris : le badge portant l’inscription « Je lutte des classes ».
D’une certaine façon, on peut comprendre son succès. Le concept de la « lutte des classes » a été tellement tu, nié, décrié par les tenants de l’idéologie dominante. La bataille pour les retraites est aussi le reflet d’un aiguisement de cet affrontement de classes.
Mais cet autocollant a quelque chose d’ambigu qui me dérange.
D’abord, il n’est pas signé, bien qu’il ait été diffusé par milliers sous le ballon PCF en bordure de manifs. L’Huma l’a repris aussi en pleine page dans son édition du 6 septembre 2010.
Mais il provient d’un collectif d’artistes qui se situe à la lisière de la politique, le collectif « Ne pas plier ». Ce dernier avait déjà produit les autocollants « Rêve générale » et, sur le même thème qu’aujourd’hui, « La lutte c’est classe… contre classe », suivant le même procédé graphique. Dans les deux cas, des concepts historiques du mouvement ouvrier étaient déjà déformés, repris depuis une forme gauchiste, vers un slogan publicitaire, politiquement démobilisateur.
Le « flyer » « Je lutte des classes » se situe dans leur continuité.
Mon premier problème, c’est le « je » (et pas seulement parce qu’il est incorrect en français !). La lutte des classes pourrait donc être menée individuellement. Voilà qui est en contradiction avec la, notre, conception même des classes, de la prise de conscience de classe, de l’importance des organisations dont la classe ouvrière s’est dotée.
Il n’est à ce titre pas étonnant que Mme Clémentine Autain ou M. Patrice Braouezec, dans une tribune publiée dans l’Huma le 16 novembre 2010, voient dans ce slogan « la nouvelle articulation entre l’épanouissement individuel et l’émancipation collective ». Les mêmes en sont à attendre sagement le « post-capitalisme » sans révolution, sans rupture, sans socialisme.
Mon second problème, c’est l’usage du « badge ». Quel est l’intérêt politique de l’arborer dans une manifestation, entre manifestants ? Les immenses manifestations que nous venons de vivre constituent un acte de lutte important, partagé par tous les manifestants. Mais nous venons de voir qu’il n’a pas encore suffi à gagner contre le pouvoir au service du capital.
Les grèves, affrontement direct avec l’exploiteur, sont restées limitées. On n’imagine pas tellement l’intérêt du gréviste sur son piquet de grève à s’orner du fameux autocollant, sinon à titre de défi. En situation, c’est évident qu’il mène la lutte des classes, qu’il sait ce que cela va lui coûter comme pression, perte de salaire, qu’il sait aussi ce que cela va rapporter à son équipe de travail, à ses collègues, à sa classe : le maintien, la conquête de droits, la dignité.
Le concept de lutte des classes, acquis du marxisme, revient avec l’évidence des contradictions du capitalisme. Quand l’idéologie dominante n’arrive plus à l’étouffer parmi les travailleurs, où est l’intérêt à le dévaluer au rang de slogan publicitaire dans des pratiques de lutte qui, malgré tout, restent limitées.
Porter le badge dans une manif, c’est en fin de comptes un acte gratuit d’affirmation individuelle.
Avec tous ceux qui ont la tentation de le porter, je souhaite participer pleinement à la lutte des classes pour mettre en échec le gouvernement, renverser le capitalisme. Pour cela, j’affiche un autocollant plus radical :
« Faire vivre et renforcer le PCF ! ».
Robin Matta, jeune militant communiste