Vaclav Havel : mort d’un anticommuniste au masque humaniste
EDT pour vivelepcf
Vaclav Havel est mort. Communistes français, que l’on ne compte pas sur nous pour nous associer au concert de louanges déployé pour célébrer le « grand homme » et son œuvre. Tant pis pour les tenants de l’idéologie dominante qui ne supportent pas une voix « dissidente » contestant le capitalisme.
Vaclav Havel a été toute sa vie un militant politique cohérent et conséquent. Il a consacré sa vie à une cause : la restauration capitaliste en Tchécoslovaquie, la remise en cause des acquis du socialisme, l’anticommunisme.
Sa performance personnelle n’a pas consisté à se trouver des appuis : les milieux réactionnaires nationaux et les agents de l’impérialisme occidental, d’abord américain et allemand, ont vite compris qu’il pouvait être l’un de leurs meilleurs porte-voix en Tchécoslovaquie.
Non, là où son talent a brillé, c’est dans sa capacité à rentrer dans le nouveau système de propagande impérialiste dirigé contre les pays socialistes à partir des années 70, à le développer jusqu’à l’incarner presque.
Après la prise du pouvoir de 1989, Vaclav Havel devient président d’abord de la Tchécoslovaquie, puis, après un intermède, long de deux petits mois, qui en dit long sur son attachement à l’unité du pays, de la République Tchèque jusqu’en 2003.
L’idéologie dominante l’a érigé mondialement en conscience morale, en héraut de la liberté, comme le théocrate « Dalaï-Lama », qui aura été son dernier visiteur.
Comme Président, Havel aura tout soutenu, tout justifié dans son pays: le processus de privatisations, la casse du système social, l’effondrement de l’appareil productif, la mise sous tutelle économique de l’Allemagne et de l’UE.
Fidèle en engagement et en amitié, il apporte son soutien appuyé à George Bush père pour la première guerre du Golfe, à Clinton pour la guerre de Yougoslavie, à George Bush fils pour la guerre en Afghanistan et en Irak, jusqu’à engager des troupes tchèques.
« Des bombardements humanitaires ! Souvenons-nous de Munich ! » osait proférer Havel.
Pour cette politique, pour le choix de la guerre, il a pris soin d’éviter de demander l’avis du peuple tchèque. En mars 1999, il a décidé l’adhésion de son pays à l’OTAN, 60 ans jour pour jour après l’invasion hitlérienne et la première mort de la Tchécoslovaquie consécutive justement à ces sinistres accords de Munich. Pour Vaclav Havel, la démocratie, forcément bourgeoise, ne vaut que si l’intérêt du capital l’emporte. L’intégration dans l’UE du capital allait suivre.
Acharné, malgré la maladie, il consacre les dix dernières années de sa vie à combattre Cuba socialiste, les expériences émancipatrices d’Amérique latine.
Ces actes de l’homme d’Etat ont déçu certains naïfs de « gauche » notamment en France. Mais non, Havel est bien resté le même !
A partir des années 60/70, la bataille idéologique fait toujours rage mais les conditions changent avec la « détente », la coexistence pacifique, la montée de contestations nouvelles du capitalisme, le début de la stagnation économique des pays de l’est.
L’impérialisme a compris qu’il fallait monter un anticommunisme moins caricatural, plus décontracté, disons « de gauche ». Exactement ce que Havel avait aussi compris. Le temps du Maccarthysme est loin. Les nouveaux anticommunistes seront anticonformistes (en apparence), amateurs de rock, de mœurs libérés (toujours en apparence). Ils paraîtront intellectuels de « gauche » pour mieux séduire les intellectuels de gauche notamment d’Europe de l’ouest.
Le succès de l’œuvre du dramaturge Havel tient vraisemblablement à cette mystification. Chacun peut avoir son jugement littéraire. Mais constatons que son théâtre de l’absurde, de l’ambiguïté, collait exactement à la propagande « antitotalitaire » développée par l’intelligentsia occidentale.
Son droit-de-l’hommisme n’est pas sans évoquer en France celui d’une caricature bouffonne, le philosophe capitaliste, qui, lui, n’a jamais eu à se battre, Bernard Henri-Lévy.
Havel n’a pas vaincu la Tchécoslovaquie socialiste à lui tout- seul, on s’en doute. Comme individu, Gorbatchev a bien plus de responsabilités.
La victoire de la contre-révolution à l’est a des raisons profondes, également internes, que nous nous faisons une priorité d’étudier parce que nous restons communistes plus que jamais.
Les événements de 1968 à Prague font partie de ces sujets de réflexion. Les débats étaient intenses déjà au sein d’un PCF très concerné. Ils devraient toujours l’être.
L’intervention militaire soviétique ne pouvait pas représenter une sortie de crise satisfaisante devant des aspirations réelles à un socialisme plus approfondi, à un Parti plus directement en phase avec les masses. Sur le mode hypocrite, Vaclav Havel saura ensuite finement les exploiter, les retourner, se jouer des failles du socialisme tchécoslovaque et du camp socialiste dans l’affrontement de classe mondial.
Mais en 1968, soutenues par l’ouest capitaliste, les forces réactionnaires commençaient à prendre le dessus, préparaient ouvertement la restauration de la propriété privée des grands moyens de production, un renversement d’alliances.
Rappelons que l’intervention s’est faite sans quasiment de morts et avec l’appui d’une large partie de la classe ouvrière tchécoslovaque.
Acteur secondaire du « Printemps de Prague », Vaclav Havel en révèle l’issue 21 ans après, dans le cadre de la défaite du socialisme soviétique et de la contre-révolution, dite de « velours », parce qu’elle n’a rien d’une révolution. En 1989, il s’adjoint Alexandre Dubcek, pour assurer une continuité historique avec 1968.
Le couvert hypocrite, lié à des conditions historiques datées, du « socialisme à visage humain » révèle son objectif réel : la restauration capitaliste, la soumission à l’impérialisme.
Capitaliste lui-même, Vaclav Havel ne s’est pas oublié, traduisant sa conception de classe de la société. Il s’est accaparé de nombreux immeubles praguois dont sa famille richissime était propriétaire avant 1948.
La célébration exacerbée, presqu’unanime, de la mémoire Vaclav Havel prolonge sa fonction propagandiste. Mais en 2011, elle sonne faux, en République Tchèque, en Slovaquie, comme en France. Elle traduit un état de faiblesse.
Les mythes portés par un Vaclav Havel ou un Lech Walesa sont usés par les faits, par la révélation de la réalité de ces personnages. Dans un monde unipolaire, le capitalisme, qu’ils ont défendu et rétabli, déploie ses crises pour exploiter de plus en plus durement les peuples, leurs peuples.
Communistes au 21ème siècle, le socialisme est notre projet révolutionnaire. Vaclav Havel fut un ennemi acharné du socialisme, c'est-à-dire de l’émancipation des travailleurs, des peuples, de l’avenir. Nous ne le pleurons pas.
PS : Nous exprimons notre réprobation et notre colère devant le communiqué du 18 décembre 2011 signé de Pierre Laurent (ci-dessous) qui reprend tous les poncifs de l’idéologie dominante pour tresser des couronnes à feu Vaclav Havel.
De tels reniements des positions historiques du PCF, une telle absence d’esprit critique sont extrêmement préoccupants de la part du secrétaire national.
Combien de camarades se retournent dans leur tombe ?
Des communistes, il y en a aussi de bien vivants qui veulent un PCF qui assume son histoire et ne reprenne pas plus aujourd’hui qu’hier à son compte les vérités officielles d’où qu’elle vienne.
"Décès de Vaclav Havel : réaction de Pierre Laurent
À l'annonce de la disparition de Vaclav Havel, je veux saluer la mémoire du co-fondateur de la Charte 77 qui aspirait à ce que « l'amour et la vérité [vainquent] la haine et le mensonge ».Sa vie aura incarné le drame tchécoslovaque et au-delà, celui du socialisme dans les pays de l'est européen. Ecrivain, philosophe, il n'a cessé de porter ce combat : sans démocratie réelle, aucun pouvoir ne peut s'exercer légitimement.Hier dissident du régime communiste, puis premier président de la Tchécoslovaquie post-socialiste, monsieur Havel ne ménageait pas aujourd'hui ses critiques à l'égard du libéralisme. Son humanisme ne se satisfaisait d'aucun dogme politique quel qu'en soit le nom.La vie de Vaclav Havel restera pour les communistes français le témoignage de ce dont leur idéal de combat ne peut être privé : la liberté et l'émancipation humaine."
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